Le truc de Fishbone, c’est le grand mélange des genres : du ska-punk sec avec des cuivres chaleureux hérités de la soul music, un refrain catchy pour raconter la détresse d’un enfant au cœur d’un divorce, une envie de pogo avec des musiciens parfaitement en place. Ma and Pa n’a pas mis le feu aux charts en son temps mais reste aujourd’hui, plus de 30 ans après, dans le cœur des fans de Fishbone, certainement parce qu’il illustre tout ce qu’il se passe à la fin des 80s : on casse des murs pour faire se rencontrer le ska revival anglais et le punk-rock californien plongé dans le funk-metal, puis on fait bouillir le tout au service de lyrics dans l’esprit de ce que le rap alors émergent peut offrir. On est prêt à changer de décennie et à employer à tire-larigot le mot fourre-tout « fusion » pour sortir de nos habitudes.
Avant Ma and Pa
Avant Truth and Soul, leur second album, les membres de Fishbone ont eu le temps de fourbir leurs armes. Le groupe trouve ses origines en 1979. La formation, alors un sextet, baigne dans un melting pot d’influences diverses et sort en 1985 un EP dégoulinant de ska puis un album aux accents funk en 1986. Le groupe est dans le même élan que leurs voisins californiens les Red Hot Chili Peppers mais aussi que les new-yorkais Beastie Boys qui les accompagnent en tournée. Il leur manque alors encore peut-être quelques ingrédients de hard-rock pour être complètement dans le ton de l’époque, ils viendront avec l’album de 1988 et cette reprise de Curtis Mayfield « Freddie’s Dead« , premier single de Truth and Soul.
Après Ma and Pa
On l’a dit : après ce deuxième album, Fishbone est dans le bon sillon pour prendre une part importante à la petite révolution qui se joue. The Reality of My Surroundings, sorti en 1991 trouve son public et Fishbone est un peu partout, sur les scènes et les plateaux télé. L’abum suivant, Give a Monkey a Brain and He’ll Swear He’s the Center of the Universe sort en 1993 avec, une fois encore, une diversité de styles assez unique. Mais c’est cette même année que les membres du groupe vont commencer à s’embrouiller avec, en vrac, un départ, une mission de sauvetage d’une secte, mission assimilée à une tentative d’enlèvement et un concert de bienfaisance pour payer les frais de justice de tout ce petit monde. Le groupe va disparaitre progressivement des radars puis renaître au milieu des années 2000 avec du personnel frais, un nouvel album et l’étiquette d’un groupe sous-côté dans l’histoire récente de la musique. Finalement, qu’est-ce qu’il a manqué à Fishbone ? Peut-être un titre dans les playlists de GTA San Andreas, comme Living Colour. Ça aurait été mérité en tout cas.
Fishbone et moi : DJ Zebra
DJ Zebra est un DJ français connu pour ses bootlegs ou mashups (mixes hybrides), pionnier d’un mouvement qu’il a popularisé sur scene et a la radio depuis les années 00’s. Grace a son style rock et énergique, il a conquis les publics de nombreux festivals et clubs, en France et dans le monde entier. Apres avoir monte de nombreux shows avec diverses formations (il est aussi musicien, chanteur, auteur et comédien), il tourne depuis 2017 en duo avec DJ Prosper sous le nom de Bootleggers United.
Comment est-ce que tu découvres Fishbone ?
La première fois, c’était en 1987 quand le clip de « It’s A Wonderful Life (Gonna Have A Good Time) » est passé dans l’émission Décibels sur FR3. Je regardais cette émission, réalisée à Rennes,
chaque semaine, et cette fois elle présentait la programmation des Transmusicales. J’ai adoré le clip, la musique et l’énergie de ce groupe, ça m’a donné envie d’aller à Rennes rien que pour eux. Puis un an plus tard, j’accroche sur une musique qui servait de générique dans « Bains de minuit », émission animée par Thierry Ardisson. C’était Fishbone avec « One Day ». Ce mélange funk metal swing, c’était ma came. A l’époque, j’étais autant fan de Prince que de The Clash, 2 groupes habitués aux mélanges des genres, et Fishbone amenait en plus une grosse dose de funk façon George Clinton, que je découvrais aussi à ce moment là. J’ai donc acheté leur album « Truth & Soul » en 1988, que j’écoutais sans arrêt. Je l’ai tellement usé que je le connais par cœur. La première fois que je les ai vu sur scène, c’était en 1991 à Lille (Aeronef), c’était de la dynamite.
En quoi Fishbone a changé ton rapport à la musique ?
Ce qui m’a d’abord séduit, c’est leur folie et leur habileté à mélanger les genres comme s’ils en inventaient un pour eux. C’est un groupe qui ne ressemble à aucun autre. Leur chanteur Angelo Moore est un des performers les plus incroyables que j’ai vu, et tous les membres du groupes étaient, dans leur genre, des virtuoses sauvages. Fishbone amorçait un courant de mixité totale, représenté par des groupes comme Urban Dance Squad et La Mano Negra, tout aussi bouillants sur scène. Tout ça a influencé ma façon d’envisager la musique et la scène : jouer, suer, se marrer. Quand j’ai rejoint Billy Ze Kick et Les Gamins en Folie en 1993, j’ai retrouvé cette même volonté d’être libre et indéfinissable. C’est devenu mon école de la vie artistique. Et quand je me suis mis au mix et aux mashups en 2002, j’ai voulu l’exprimer de cette façon, à travers mon personnage de zèbre fou.
Pourquoi précisément « Ma & Pa » ?
J’aime tout l’album « Truth and soul », et je trouve que « Ma & Pa » est sa chanson la plus abordable et réussie. C’est une vraie pop song américaine, qui pourrait être arrangée de plusieurs façons, soul ou punk, et elle est tout ça à la fois. Angelo chante remarquablement bien, comme un Cab Callloway sous acide, les parties cuivres qui lui répondent sont chantantes comme chez Stax, il y a un swing ska qui rappelle des groupes anglais comme The Beat ou The Selecter, et une légère dose de punk pour l’énergie. C’est un peu la vitrine de l’album, et celle que j’ai toujours aimé en concert, même si « Bonin’ in the boneyard » était le moment fort de leurs shows à l’époque grâce à la partie de basse slappée, mais voilà, Fishbone n’est pas qu’un groupe de bassiste, c’est un tout homogène, qui s’exprime harmonieusement dans cette chanson. Elle avait le potentiel pour être un tube mondial… l’histoire en a voulu autrement.
Quand Zebra parle de musique, c’est passionnant, quand il en fait c’est encore mieux. découvrez ses aventures musicales sur son site.