12 décembre 2024

Saturday – SPARKLEHORSE

Sparklehorse - Saturday

Vivadixiesubmarinetransmissionplot nous a pris de court en 1996. Précédé d’une réputation flatteuse, notamment d’avoir tourné avec Radiohead, Sparklehorse vient défendre sous le soleil de Saint Malo, avec un chanteur dans un fauteuil roulant, cet album produit comme une démo. On ne sait pas encore pourquoi ce mec est dans un fauteuil, et encore moins que Sparklehorse, c’est juste Mark Linkous et son dictaphone. On passe les mois suivants à écouter ce disque, on ne comprend pas comment on peut assembler des accords si cons et sortir des chansons aussi majestueuses que ce Saturday ou que n’importe lequel des titres de l’album.

Avant Saturday

On peut expliquer en partie ce brillant songwriting par le fait que Linkous fait de la musique depuis toujours et que ça lui a apporté quelques désillusions. 10 ans avant Vivadixiesubmarinetransmissionplot, il sort un premier album avec son groupe, Dancing Hoods et un deuxième en 1988 (dispo sur Spotify pour les curieux) qui fait naitre des ambitions. Le groupe bouge à L.A. pour conquérir le monde mais se sépare peu après. Mark Linkous retourne dans sa Virginie natale et monte des débuts de projets qui lui donneront un peu de matériel pour envisager un album qu’il enregistre avec les mecs de Cracker pour qui il avait écrit Sick of Goodbyes en 1993 (ils lui devaient bien ça).

Après Saturday

L’album Good Morning Spider est un vrai deuxième album, avec du matériel non retenu pour le premier opus et un peu plus de liberté pour envoyer 17 titres cohérents. une compil de b-sides plus tard, Sparklehorse revient avec cette fois ci avec It’s a Wonderful Life porté par quelques guests : PJ Harvey notamment, mais aussi John Parish et Tom Waits. Toujours rien à jeter. Dreamt for Light Years in the Belly of a Mountain en 2006 sera plus douloureux à sortir comme en témoigne l’interview donnée à Pitchfork cette même année. Pour ceux qui en doutaient encore : ça ne va pas fort. Il tout de même le temps de signer une fantastique collaboration avec Danger Mouse pour Dark Night of the Soul avant qu’on apprenne la sale nouvelle : Mark Linkous est parti le 6 mars 2010, la décennie ne pouvait pas plus mal débuter.

Sparklehorse et moi : Franck Annese

Franck Annese est un patron de presse qui a lancé notamment So Foot, So Film ou Society. Pourquoi pas « So Music » ? Parce que Franck Annese était trop occupé avec le label qu’il a lancé, Vietnam et désormais avec son groupe, EMPRS qui prépare un premier album.

Comment est-ce que tu découvres Sparklehorse ?

La première fois, je crois que c’est mon pote Benoit, au lycée, à Nancy, qui m’en a parlé. Vivadixiesubmarinetransmissionplot venait de sortir. Je me souviens il m’avait dit : “Je crois qu’il y a de la contrebasse, tu vas voir…” C’était le premier album de Sparklehorse et ça a été un choc esthétique pour moi. Il y avait tout ce que j’aimais. Une écriture très fine, beaucoup de fragilité. C’est le disque que j’ai le plus écouté au monde. À l’époque, j’écoutais de la pop anglaise (The Auteurs, The Stone Roses, The Smiths, Oasis), du rock américain (Weezer and co), du folk (Elliott Smith, Daniel Johnston, Smog, Vic Chesnutt), un truc qu’on appelait le trip-hop à l’époque (Massive Attack, Portishead), de la chanson française (Dominique A, Philippe Katerine, Miossec), un peu de hip-hop américain (Tribe Called Quest, The Pharcyde), etc. J’avais vraiment la culture musicale du mec qui habite à Nancy et qui lit Les Inrocks, L’Indic and co. Ça a énormément compté dans ma vie, ensuite, la musique.

Quelle influence a eu Sparklehorse ?

Sa musique a énormément influencé ma vie. Déjà, il fait partie de ceux qui m’ont donné envie de faire de la musique et d’en produire, ce qui est une partie de ma vie aujourd’hui. Il a aussi changé mon rapport à la masculinité. Avec Elliott Smith, il est de ces artistes qui m’ont fait comprendre qu’on pouvait être un garçon et être fragile. Qu’on pouvait exprimer ses sentiments. Que ce n’est pas parce qu’on était un mec qu’on devait être un cow-boy. Ensuite, sa musique a accompagné beaucoup de moments de ma vie. Des moments très heureux, comme des moments très tristes. Il a globalement accompagné toutes mes histoires d’amour. C’est aussi des chansons que je fredonnais à ma fille quand elle était bébé pour qu’elle s’endorme. Je lui chantonnais Homecoming Queen à l’oreille…

Pourquoi précisément « Saturday » ?

Parce que je trouve que c’est une très belle chanson d’amour. J’aime imaginer qu’il a écrit cette chanson en pensant à un quelqu’un dont il était très amoureux, sans réussir à lui dire tout ce qu’il avait à lui dire. Pendant des années, je me suis dit que ça devait être génial d’écrire des chansons par amour, c’est venu très tard chez moi. J’ai composé plein de chansons pour une fille récemment. Malheureusement, je chante hyper mal, ça me déprime totalement. J’aurais aimé avoir le talent de Linkous. Je pense que ça lui aurait plu…

On vous invite à lire le très chouette article que Franck a consacré à Mark Linkous dans Libé en 2015.